Saisies de vies : photographies d’Anthony Suau sur les victimes des Subprimes

Selon l’adage juridique du XVIIe, « le mort saisit le vif », ce qui signifie que l’héritier est investi sans délai des biens du défunt. Pour des milliers d’Américains qui subissent de plein fouet la crise des Subprimes, le seul héritage laissé aux enfants pourrait bien être une profonde déchéance sociale. Le photographe Anthony Suau saisit par ses instantanés les lendemains de cette crise qui transforme une famille de propriétaires en une famille vouée à l’errance.

Le photographe américain nous entraine aux côtés de l’inspecteur Robert Kole chargé de vérifier que les anciens occupants de ces demeures ont bien déguerpi. Ces maisons ne constituaient pas qu’un simple toit pour des milliers d’Américains, elles étaient le symbole d’une progression sociale, la possibilité de vivre dignement, même sans avoir des revenus importants. Le tort de ces gens est d’avoir cru que le capitalisme réaliserait leurs rêves sans contrepartie, sans hypothéquer leur propre vie.

Ainsi, à travers ces photographies, c’est toute la réalité d’un système économique qui nous est jetée à la figure. Dévoilant les mirages méritocratiques du capitalisme, ces clichés nous font pénétrer dans ces intérieurs domestiques censés rester hors champ et qui soudain sont exhibés : point alors la violence extrême exercée contre des individus condamnés au mutisme, sinon à la disparition. Ces Américains ont cru saisir leur rêve avant de s’en voir définitivement dépossédés. De leurs espérances, il ne reste qu’un profond désordre dans lequel il faut pénétrer l’arme au poing. Même le chien, fidèle compagnon des classes moyennes, est mort détenu par la maison.

L’art d’Anthony Suau ne réside pas dans une simple représentation de la crise, car le photographe multiplie les facettes et nous plonge de la saisie immobilière jusqu’à la vente aux enchères qui offrira à ceux qui possèdent déjà les richesses le droit de saisir ce que les plus pauvres pensaient détenir.

L’une des photographies d’Anthony Suau a reçu le 52e prix du World Press Photo Award, mais c’est probablement toute la série qui aurait dû bénéficier de cette récompense. C’est en effet l’ensemble des clichés qui dépeint la complexité du drame de ces Américains qui voient leur rêve et leur vie voler en éclats.

Laurent Monserrat, 18 octobre 2009.

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