Le visage caché de la police française

Photography by Laurent Monserrat, police française©L.Monserrat, Paris, 2020.

En photographiant les manifestations, j’ai toujours eu un sentiment partagé sur le fait de montrer les visages, autant ceux des manifestants que ceux des policiers. Les photos des manifestants pouvaient participer, dans une certaine mesure, à constituer une base de données pour les services de renseignement et les photos des policiers pouvaient donner lieu à de potentielles représailles – représailles d’autant plus importantes dans un État exigeant des forces de l’ordre de faire preuve de la plus grande des violences à l’encontre des manifestants. Toutefois, mon objectif photographique n’était pas celui d’un reporter qui vise à informer en pénétrant dans les mouvements et en rendant compte du réel, même si celui-ci dérange. Pour ma part, je cherchais à souligner le mouvement des foules et l’énergie qui en émanait.

Il n’en demeure pas moins que la liberté d’informer, inhérente à toute démocratie, nécessite de pouvoir illustrer les débordements lors des manifestations, et ce même s’ils viennent des forces de l’ordre. Mais le projet de lois qui est désormais présenté au Parlement pourrait entamer un peu plus notre droit à l’information.

D’ailleurs, le désintérêt affiché par les « grands » médias, (médias détenus par des industriels, s’il est nécessaire de le rappeler) souligne toute l’importance de ce qui se joue actuellement en France. La perte des libertés individuelles s’est aggravée depuis l’élection d’Emmanuel Macron, avec les interdictions de manifester, les violences policières, le confinement, le couvre-feu, les ordonnances et au même moment, le Parlement légifère (pour une fois que celui-ci vote), sur la possibilité d’interdire la diffusion des images comportant les visages des forces de l’ordre, infligeant un peu plus à la démocratie française, un recul considérable.

Une partie du projet de lois viserait à renforcer les pouvoirs de la police et à les protéger. Toutefois, l’article 24 porte atteinte à la liberté d’informer dans la mesure où il prévoit de punir «d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende le fait de diffuser (…) l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme «lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police.» Une précision est tout de même apportée dans cet article : « les images doivent être diffusées dans le but de porter atteinte à l’« intégrité physique ou psychique » de l’agent. Mais comme l’explique Arié Alimi, avocat de la Ligue des Droits de l’Homme, les procureurs engageront des poursuites à l’encontre des journalistes, qui plus est quand ces images montrent des violences disproportionnées des forces de l’ordre, au prétexte que c’est au magistrat d’évaluer si les images portent atteinte ou non à « l’intégrité physique ou psychique de l’agent. »

Selon Arié Alimi, »les procédures baillons risquent de se multiplier» , avec un but unique, empêcher la presse et plus particulièrement les reporters indépendants de suivre la police sur les opérations au risque de se voir confrontés à des poursuites judiciaires coûteuses.

On reste malgré tout dubitatif devant ces lois soutenues par la République en Marche tant elles vont à l’encontre d’un processus démocratique vertueux, tant elles vont à l’encontre d’une surveillance nécessaire et obligatoire des forces de l’ordre censées garantir la concorde républicaine.

Série photographique accessible sur cette page

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